Chapitre séculier - Fiche valide
La collégiale se situe à 15 km d'Orléans, en aval de la Loire et à 2 km de la rive sud de la Loire, en face de Meung. Cléry se situe tout près du principal passage de la Loire, entre Beauce et Sologne. Avant 1600, la Loire avait un bras qui la rapprochait davantage de Cléry. L'église se situe contre la voie qui relie Orléans à Tours, du côté méridional de la Loire. Cléry apparaît sous la qualité de vicus dans la vie de saint Liphard de Meung (Clariacus vicus).
En 1201/1202 (Recueil des actes de Philippe Auguste roi de France, éd. H.-Fr. Delaborde, Ch. Petit-Dutaillis et J. Monicat, Paris, 1943, t. 2, n° 691), le roi accorde les coutumes de Lorris aux hommes de la paroisse de Cléry habitant la terre dans laquelle Hescelin de Linas l'a admis au pariage. Hescelin est le seigneur de Linas, près de Montlhéry. Au XIIIe siècle, le fief principal de Cléry appartient au roi, qui y a un prévôt en 1236. Cléry est célèbre pour le culte rendu à une statue de la Vierge, mais il est difficile de dater exactement son apparition, souvent située dans les années 1280. La statue aurait été découverte dans un buisson. En 1283, "au nom de la chapelle Notre-Dame de Cléry (capelle beate Marie de Clariaco)", Renaud, curé de l'église de Cléry, achète une place située "près de ladite chapelle Notre-Dame". Ce curé, Renaud de Champerdon, put être le fondateur de la chapelle.
En juin 1294, depuis Senlis, Philippe IV donne en accroissement de fief à Simon de Melun, maréchal de France, le fief de Cléry et ses appartenances pour la faire dépendre de son fief de La Salle. Le roi renonce donc à posséder directement Cléry. Cadet de la famille des vicomtes de Melun au diocèse de Sens, Simon de Melun était en effet concerné par Cléry par son mariage advenu en 1265 (L. Jarry) avec Marie de La Salle, grâce à laquelle il était devenu seigneur de La Salle (commune de Cléry-Saint-André), fief situé 1 km au sud-est du village de Cléry. Le château de La Salle fut détruit par les Anglais au milieu du XIVe siècle, mais on peut voir encore aujourd'hui un château moderne et ses fossés traversés par la rivière de l'Ardoux. Marie était aussi l'héritière du fief du Bouchet, situé près du village de Dry, qui touche celui de Cléry, et du fief de Viévy (commune de Viévy-le-Rayé, dép. Loire-et-Cher). Simon est à Tunis quand meurt Louis IX. En 1272, il figure parmi les chevaliers de la prévôté d'Orléans devant rejoindre l'ost du roi. Fait sénéchal en 1280 à la fois du Périgord, du Limousin et du Quercy, puis maître des arbalétriers du roi (1282) par Philippe III, il assiste à la mort de ce dernier lors de la croisade d'Aragon. Nommé maréchal de France vers 1290, il vit dans une grande proximité avec Philippe IV. En 1293, il se bat en Guyenne contre les Anglais. En juin 1294, le roi assigne aussi à Simon et ses héritiers une rente de 300 livres sur la prévôté royale d'Orléans, à laquelle il ajoute en 1297 une autre rente de 500 livres de petits tournois sur la même prévôté. Entre 1297 et 1299, le maréchal est souvent en Flandre et à Bruges où il donne quittance de gages pouvant se monter à près de 8 000 livres par an.
Le testament du maréchal n'est pas connu et on ne sait s'il fut rédigé longtemps avant sa mort, mais la fondation de la collégiale fut envisagée dès 1300 : cela ne signifie pas pour autant que la collégiale était installée et fondée à la mort du maréchal en 1302. En novembre 1300, à Vincennes, le roi fait une concession, pour augmenter le culte divin, à son cher et fidèle Simon de Melun, chevalier et maréchal de France, exposant pour le remède de son âme fonder 5 "prébendes" dans l'église Notre-Dame de Cléry. Le fondateur peut, sur sa terre située dans la prévôté d'Orléans, assigner comme il le veut une rente maximale de 100 l.t. pour lesdites 5 prébendes. Le roi veut que les "chanoines" tiennent pacifiquement cette rente, les droits du roi restant saufs. Simon de Melun est des chevaliers français massacrés par les Flamands à Courtrai en juillet 1302. Simon, dont le corps est enterré aux environs du lieu de sa mort, laisse un fils Gilles, également présent à la campagne de Flandre (X. Hélary, L'armée du roi de France. La guerre de saint Louis à Philippe le Bel, Paris, 2012, p. 78-79).
Le mardi après la Saint-Clément (23 novembre) 1302, Marie dame d'Aule (Aula, i.e. La Cour, Aula prope Cleriacum), veuve de très noble Simon de Melun, et Gilles de Melun, chevalier, leur fils et héritier, donnent une charte par laquelle ils reconnaissent que de son vivant, Simon avait demandé au roi la permission d'assigner une rente de 100 l.t. assignée dans la prévôté d'Orléans, pour la fondation de 5 prébendes "dans la chapelle Notre-Dame de Cléry". Ils ajoutent que le testament de Simon concède bien cette rente pour ladite fondation et retient pour lui et ses héritiers le droit de patronage et de collation ou de présentation des prébendes (jure patronatus et collatione seu praesentatione in praebendis). Simon voulait de surcroît que les "chanoines", lorsqu'ils seront institués dans leur prébende, soient tenus de faire résidence personnelle et que dans l'année de la collation de leur prébende ils deviennent prêtres, qu'ils jurent de faire résidence lors de leur institution et de recevoir les ordres dans l'année. Les chanoines sont tenus de dire les heures canoniales en commun et chacun doit célébrer l'officie divin chaque jour, à moins d'une excuse suffisante. La veuve et le fils ont la volonté de faire exécuter ces souhaits et même augmenter l'assignation ou le don, si c'est possible, à recevoir au terme de l'Ascension. A chaque vacance d'une prébende, par droit de patronage, ils disent présenter un nouvel individu à l'évêque d'Orléans pour qu'il l'institue. Ils supplient l'évêque d'Orléans Bertaud de Saint-Denis de consentir à cette fondation et de la confirmer. On note qu'il y a un changement entre le souhait du maréchal et celui de sa veuve associée à leur héritier : probablement pour ne pas déclencher une forte opposition épiscopale, ceux qui prennent véritablement en main la fondation renoncent à présenter et instituer les chanoines : la collégiale doit bien relever de la juridiction de l'évêque.
En 1302, de toute évidence en décembre, l'évêque d'Orléans Bertaud de Saint-Denis vidime les lettres royales de 1300 ainsi que la charte de la veuve et de son fils de novembre 1302. Il ajoute à la suite qu'en considération de l'affection qu'il portait au défunt, il veut et ordonne que la chapelle Notre-Dame soit érigée en collégiale (quod praefata capella beatae Mariae collegiata existat). Cela se fait avec le consentement de Renaud, curé de l'église paroissiale de Saint-André près de Cléry, paroisse dans laquelle est située la chapelle. L'abbé et le convent de Saint-Mesmin de Micy (OSB), près d'Orléans, approuvent aussi, comme patron de la paroisse. L'évêque déclare que les 5 chanoines sont institués dans la chapelle, par la fondation des 5 prébendes. Il reprend aussi les prescriptions susdites liées aux ordres et à la résidence, en complétant par d'autres détails sur le fonctionnement interne et les rapports avec la paroisse de Saint-André. Il ajoute qu'un des chanoines sera le doyen auquel chacun devra obéissance. Le décanat de la chapelle (decanatus ejusdem capellae... conferatur) sera conféré par l'évêque, et seulement à un des chanoines de la chapelle. Le doyen rendra l'hommage à l'évêque. Il crée doyen, le curé Renaud, grâce auquel la chapelle fut édifiée. Renaud recevra sa vie durant les offrandes de cire et celles faites aux reliques dans la chapelle, à l'exception des oblations qui arrivent dans la main d'un prêtre. Durant sa vie, il recevra aussi le double des distributions, en dehors des oblations précédemment citées. Lorsqu'il mourra, la cire, les oblations et les émoluments seront divisés en deux portions, l'une ira au doyen, l'autre aux distributions communes. Le doyen percevra bien dès lors les distributions d'un simple chanoine. L'évêque ordonne que le curé de Saint-André aura une prébende que l'abbé de Saint-Mesmin présentera conjointement avec la cure. Le curé desservira la prébende lui-même ou par un autre prêtre, il résidera à Saint-André ou à Cléry. Le doyen et le chapitre (capitulum) de la chapelle doivent célébrer la messe chacun leur tour trois fois par semaine dans la "chapelle d'Aule" lorsque le seigneur ou la dame y résident. L'évêque achève en rappelant en conséquence que les héritiers de Simon présenteront à l'évêque 4 prébendes comme patron de la chapelle.
En décembre 1302 par un autre acte, depuis son château de Saint-Ay, l'évêque d'Orléans veut, approuve et confirme des statuts qui doivent s'appliquer à la "chapelle". L'acte est scellé avec les sceaux de l'abbé de Micy, de la veuve Marie et de Gilles de Melun. Les évêques d'Orléans avaient deux châteaux tout près de Cléry, l'un à Estrepoy (commune de Mareau-aux-Prés) côté sud de la Loire, l'autre à Sainaint-Ay, côté nord. En octobre 1303, depuis Estrepoy, Bertaud de Saint-Denis modifie son ordonnance de l'année précédente. Le curé de Saint-André, qui est pourtant le doyen, se sentait lésé dans l'exercice plénier de ses droits dans les limites de sa paroisse. Les fonts baptismaux existant dans la chapelle Notre-Dame resteront au chapitre, mais ce dernier peut les mettre à disposition du curé. Autour de la Toussaint 1303, toujours à Estrepoy, l'évêque notifie l'accord entre le doyen du chapitre cathédral, l'archiprêtre d'Orléans et le doyen de la collégiale au sujet du déport de l'église de Saint-André, c'est-à-dire la perception des revenus de la cure pendant sa vacance. Le doyen du chapitre cathédral et l'archiprêtre abandonnent le droit de visite et de déport sur la chapelle de Cléry, contre une rente de 60 s.p. payée au doyen d'Orléans et une autre de 40 s.p. à l'archiprêtre.
En mai 1306, le roi institue à son tour 5 nouvelles prébendes canoniales pour le remède de son âme, de celle de son épouse défunte Jeanne de Navarre, et de leurs enfants. Il les finance par une rente de 200 l. à percevoir à l'Ascension sur le péage du sel et la recette d'Orléans. Ces chanoines ne seront pas présentés à l'évêque, mais au roi. Ils ne seront pas astreints à la messe au château de La Salle.
Avant 1309, le doyen Renaud (de Champerdon ?) a fondé 2 vicaires qui seront à la collation de cette dignité. Lui succède Jean Thomas, neveu de l'évêque Raoul Grosparmi. Une source datant de Louis XI mentionne le don d'une cloche par le roi en 1309. En 1332, Philippe VI de Valois donne au chapitre le patronage de l'église de Saint-Martin-de-Landelles au diocèse de Coutances et de Bienfaite au diocèse de Lisieux. En 1340, il dit qu'il avait posé la première pierre de la nouvelle église.
Gilles de Melun a une descendance masculine à la tête de la seigneurie de La Salle jusqu'à la fin du XIVe siècle. Simon de Melun, seigneur de La Salle et de Viévy, élit sépulture en 1396 dans le choeur de la collégiale. La seigneurie passe cette même année à sa tante Alix de Melun, mariée à Geoffroi de Husson, qui doit racheter le fief de La Salle au duc d'Orléans à cause de son châtelet d'Orléans : le patronage royal de certaines prébendes passa-t-il au duc ? D'Alix est né Olivier de Husson, seigneur de La Salle, marié en 1410 à Marguerite de Chalon, comtesse de Tonnerre. La seigneurie de Cléry est possédée par d'autres familles : Isabelle de Sancerre, dame de Cléry et La Motte-Beuvron, se remarie à Guichard Dauphin, seigneur de Jaligny et chambellan de Charles VI. Leur fils Guichard est grand maître de l'hôtel du roi en 1409 après l'exécution de Jean de Montaigu. En 1406, Guichard Dauphin vend à Guillaume de Laire, chambellan du roi et grand maître de l'hôtel du duc d'Orléans, les seigneuries de La Motte-Beuvron, Vouzon et la châtellenie de Cléry ("et le droit de mettre capitaine en la tour de l'église dudit lieu, quand besoin en est, aux dépens du chapitre d'icelle"). Mort vers 1411, Guillaume de Laire transmet en indivis à ses 3 fils, hommes du duc d'Orléans, les seigneuries de Vouzon et de Cléry. Celui des trois qui fait la plus belle carrière au service du duc, Robert de Laire, un temps bailli ducal de Montargis, est accusé par les Bourguignons d'avoir déclenché le meurtre de Jean sans Peur à Montereau. En 1420, la fratrie se partage l'héritage parental. Guichard de Laire reçoit la seigneurie de Cléry, mais il était déjà archidiacre de Cambrai (1404-1419, dates certaines données par Monique Maillard-Luypaert) et chanoine de Paris. L. Jarry ne pensait pas qu'un chanoine puisse posséder des fiefs. Le chanoine finit par transmettre Cléry au fils de Robert, Jean.
Notre-Dame de Cléry est devenu aux XIVe-XVe siècles un important lieu de pélerinage que les Grands ne manquent pas. En 1400, le doyen de la collégiale, Vincent du Clocher, archidiacre de Beaugency (dioc. Orléans), régent à l'Université d'Orléans, fonde 2 enfants de choeur.
Selon leurs volontés, Louis XI et son épouse Charlotte de Savoie y sont enterrés en 1483. Le roi avait largement financé la reconstruction de l'église qui demeure. En 1498, le coeur de leur fils Charles VIII les rejoint
Quand meurt Simon de Melun en juillet 1302, la fondation n'est pas effective, mais le 1er décembre 1302, l'évêque d'Orléans publie les statuts du chapitre en parlant, au futur, du doyen et des chanoines (erunt decani et canonicorum), autant qu'au présent pour le doyen (quod decanus qui nunc est et ejus successores)
La chapelle de Notre-Dame à Cléry, bâtie par le curé de Saint-André Renaud, est érigée en collégiale
L'évêque Bertaud de Saint-Denis a nommé doyen le curé de Saint-André, Renaud en 1302. D'après ses statuts, il décide que le doyen sera toujours nommé par l'évêque parmi les chanoines. Le testament de l'évêque d'Orléans Raoul Grosparmi (1310) désigne parmi les exécuteurs son neveu Thomas, doyen de la collégiale
Philippe IV institue 5 nouvelles prébendes canoniales en mai 1306 pour le remède de son âme, de celle de Jeanne de Navarre et de leurs enfants
C'est encore le cas dans le pouillé du XVIe siècle
En novembre 1302, la veuve de Simon de Melun délivre une charte, avec son fils, sous la qualité de "Maria domina de Aula". Cette charte ne fait état que des 5 prébendes canoniales, mais pas d'un dignitaire. L'évêque Bertaud décide que les héritiers de Simon lui présenteront un candidat pour 4 prébendes comme patron de la chapelle. Le pouillé du XVIe siècle écrit alors "le baron d'Aule" (Aula prope Cleriacum)
Le pouillé du XVIe siècle écrit alors "le roi en raison du duché d'Orléans"
L'évêque d'Orléans décide en 1302 qu'une prébende soit toujours donnée au curé de Saint-André, le tout sous le patronage de l'abbaye de Saint-Mesmin de Micy. La dixième prébende est unie à la paroisse Saint-André de Cléry, d'après le pouillé du XVIe siècle
A. Longnon, Pouillés de la province de Sens, Paris, 1904 (Recueil des Historiens de la France. Pouillés, 4), p. 336-337
Gallia Christiana, t. 8, 1744, col. 538-541
L. Jarry, Histoire de Cléry et de l'église collégiale et chapelle royale de Notre-Dame de Cléry, Orléans, 1899
M. V. Rodriguez, Austere late gothic : the architecture of the collegiate church of Notre-Dame at Cléry-Saint-André, thèse de doctorat, Université du Michigan, 1996
P. Georges-Zimmermann dir., Les sépultures prestigieuses de l'église Notre-Dame de Cléry-Saint-André (Loiret), Paris, 2015
Les informations en italique sont incertaines
Auteur(s) de cette notice: Jean-Vincent Jourd'heuil, le 27/7/2022
Pour citer cette fiche:
Jean-Vincent Jourd'heuil, « Fiche de la collégiale Notre-Dame de Cléry-Saint-André », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne </?i=fiche&j=651>], version du 27/7/2022, consultée le
Simon de Melun est seigneur de La Loupe et de Marcheville à l'ouest de Chartres, seigneur de La Salle, près de Cléry, du chef de sa femme Marie ou Anne de La Salle. Sa veuve et son fils héritier, Gilles, sont ceux qui exécutent les volontés du défunt dès l'automne 1302