Chapitre séculier - Fiche valide
Châteaudun est le siège d'un évêché éphémère au VIe siècle, avant son annexion au diocèse de Chartres. Un château est construit sur cet éperon rocheux qui domine le Loir. Châteaudun est le centre du pagus du Dunois. Le comte de Blois Thibaud Ier le Tricheur, mort en 975, met la main sur les comtés robertiens de Chartres, Châteaudun et Tours. Le vicomte de Châteaudun Hugues (989-1003), avant d'être élu archevêque de Tours en 1003, est le fidèle du comte de Blois et de Chartres Thibaud II (995-1004). Le plus vieil acte mentionnant l'église Notre-Dame de Dun (ex rebus Sancte Marie Dunensi... in comitatu Dunensi) fut dressé en octobre 1003 "au château de Dun" (actum Dunis castro), avec les signa du comte Thibaud et du vicomte Hugues. Le vicomte donne alors un bénéfice appartenant au patrimoine de Sainte-Marie de Dun. Comme Thibaud le Tricheur est celui qui a construit le premier château de Dun, il est probable que l'église dédiée à la Vierge ait été fondée en même temps (X. Barral i Altet, Le paysage monumental de la France autour de l'an mil, Picard, 1987, p. 276), sans que l'on puisse y deviner dès l'origine des chanoines. Le vicomte Hugues s'intitule aussi "doyen de Saint-Maurice" entre 997 et 1002, c'est-à-dire doyen du chapitre de la cathédrale de Tours. Il aurait pu à cet égard installer des chanoines séculiers dans l'église ou la chapelle Notre-Dame. Celle-ci est dans tous les cas la plus ancienne église du castrum, chef-lieu de comté. Le comte Thibaud de Blois écrit en 1149 que ses prédécesseurs, ab antiquo, ont fait des dons à l'église de la bienheureuse Marie Madeleine de Châteaudun qui était leur chapelle (sicut capelle eorum), à une époque où l'église Notre-Dame a changé de vocable et a été régularisée depuis au moins 20 ans. Le comte y institue alors un prévôt, peut y tenir sa cour en présence du vicomte de Châteaudun.
La plus ancienne mention d'un chanoine remonte à l'épiscopat de Fulbert de Chartres (1006-1028) qui souscrit au don à l'abbaye bénédictine Saint-Père de Chartres par "Elbertus sacerdos et canonicus Sanctae Mariae Dunensis castri" : la charte n'est pas datée, mais l'Artem propose curieusement 1029. Le vicomte de Châteaudun Geoffroi souscrit aussi à la charte. Le don d'un manse "devant [l'église de] Saint-Valérien de Châteaudun" et de vignes dans la banlieue de Chartres, est fait pour le remède de l'âme du chanoine et de son frère Hermenteus, abbé. Celui-ci fut le premier abbé bénédictin du monastère de Tuffé (dioc. du Mans) restauré par le premier seigneur de Mondoubleau. On retrouve le donateur dans l'obituaire de Saint-Père sous le nom d'Ailbertus. Sous l'évêque Thierry (1029-1048), Firmat, prêtre de Saint-Lubin de Châteaudun, donne à la même abbaye une maison "non loin du monastère de Marie Sainte mère de Dieu" (monasterio sanctae Dei genitricis Mariae). L'évêque Yves (1090-1115) prend sous sa protection l'hôpital à Châteaudun "près de l'église de la bienheureuse Marie Madeleine", ce qui est la première mention de ce vocable.
Il est tentant de voir la collégiale dans la crypte annulaire avec chapelle d'axe qui subsiste sous le choeur gothique de l'abbaye de la Madeleine. Pierre Martin (Les premiers chevets à déambulatoire et chapelles rayonnantes de la Loire moyenne (Xe-XIe siècles), thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2010, t. 1, p. 203-246) et Christian Sapin situent la crypte à la fin du Xe siècle ou peu après.
Nous pensons que le château se trouvait déjà à l'endroit où le donjon du XIIe siècle se trouve encore. L'abbaye dédiée à la Madeleine est située à 200m de là. Le château avait sa chapelle dédiée à la Vierge qui fut desservie par des chanoines. Ensuite, il est possible que l'abbaye des chanoines réguliers fût bâtie à 200m du château et de la chapelle, succédant néanmoins des points de vue institutionnel et patrimonial au chapitre qui vivait dans la chapelle castrale. Les chanoines séculiers qui voulurent ne pas faire profession continuèrent de vivre avec les chanoines réguliers, sur le site actuel de la Madeleine. En 1155, une bulle d'Adrien IV confirmant aux chanoines réguliers plusieurs églises, cite en premier "la chapelle Sainte-Marie (capellam Sancte Marie) située dans le palais du comte Thibaud de Château avec ses dépendances". L'évêque Robert (1155-1164) confirme encore aux mêmes "la chapelle de la Tour du comte", puis Innocent III en 1199 "la chapelle Sainte-Marie située au palais du noble homme comte de Châteaudun et ses dépendances". La chapelle Notre-Dame est bien distincte de l'abbaye dédiée à la Madeleine. Il se peut aussi que les chanoines séculiers se soient transférés sur le site de la Madeleine, avant leur régularisation, ce qui expliquerait l'existence du clocher abbatial qui remonte, pour sa base, au XIe siècle.
De Rebais près de Meaux le 22 février 1131, Innocent II envoie à l'abbé de Sainte-Marie Madeleine de Châteaudun, Archambaud, et à ses successeurs une bulle prenant cet établissement sous sa protection. La bulle mentionne aussi plus simplement "l'église Notre-Dame". La collégiale fut certainement régularisée par l'évêque de Chartres Geoffroi de Lèves, qui deviendra légat du pape l'année suivante pour défendre ses positions au sein du schisme qui affecte la papauté. La bulle précise aussi, naturellement à la demande de l'impétrant, que les chanoines séculiers sont autorisés à mourir sur place en vivant avec les chanoines réguliers de Saint-Augustin (decedentibus ejusdem ecclesie canonicis secularibus, nullus, nisi vitam professus canonicam, inibi substituatur, decendentium autem canonicorum prebendas ad professos redire decernimus, ipsorum usibus profuturas). La régularisation ne devait pas être très ancienne. Le vocable magdalénien n'est pas figé au XIIe siècle, ainsi l'évêque Geoffroi vers 1135 mentionne-t-il l'abbé Archambaud "et canonicis Sancte Marie de Castriduno". L'évêque Gosselin de Lèvres (1149-1155) s'adresse à l'abbé et aux chanoines de Notre-Dame de Châteaudun, évoquant encore "predicte Sancte Marie canonici, quos a seculari statu in regularem conversos". Dans une bulle de 1153, Eugène III cite toujours, sur le modèle de la bulle d'Innocent II, les chanoines séculiers qui doivent encore mourir en cédant leur prébende et qui ne peuvent être remplacés, sinon par des chanoines qui ont fait profession canoniale.
En 1212, Innocent III demande à des juges délégués d'enquêter pour savoir si les droits paroissiaux sur "la chapelle du comte" dépendent du prêtre (curé) de Saint-Lubin de Châteaudun ou de l'abbaye et du convent de Sainte-Marie Madeleine. En novembre 1220, "tout le chapitre Saint-André de Châteaudun (universitas capituli beati Andree de Castriduno)" abandonne ce qu'il réclamait dans la chapelle du palais comtal de Châteaudun, au profit des chanoines réguliers de la Madeleine de Châteaudun, malgré le don de la chapelle que le comte de Châteaudun Louis (1191-+1205) lui avait fait. En 1202, ce comte avait un chapelain qui desservait la chapelle comtale de Châteaudun. C'est donc entre 1202 et 1205 que le comte donna la desserte de la chapelle aux chanoines de Saint-André.
L'abbatiale médiévale subsiste, avec un clocher dont la base est du XIe s. (vraiment ?). Le site est situé à 200m du château comtal
Le plus vieil acte mentionnant l'église Notre-Dame de Dun est dressé en octobre 1003 "au château de Dun". Le vicomte de Châteaudun, Hugues, donne alors un bénéfice appartenant au patrimoine de Sainte-Marie de Dun
L. Merlet et L. Jarry, Cartulaire de l'abbaye de la Madeleine de Châteaudun, Châteaudun, 1896, n°1, n°2, n°3, n° 4, n°5, n°8, n°11, n°18, n°21, n°26, n°28, n°42, n°70, n°80
A. Molinier, Obituaires de la province de Sens (Recueil des histoires de la France. Obituaires, 2), Paris, 1906, p. 198
http://www.cn-telma.fr//originaux/charte3122/
J.-B. Bordas, Histoire du comté de Dunois, Châteaudun, 1850
C. Sapin, Les cryptes en France, Paris, Picard, 2014, p. 151, p. 250
X. Barral i Altet, Le paysage monumental de la France autour de l'an mil, Paris, Picard, 1987, p. 276
P. Martin, Les premiers chevets à déambulatoire et chapelles rayonnantes de la Loire moyenne (Xe-XIe siècles), thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2010, t. 1, p. 203-246
Les informations en italique sont incertaines
Auteur(s) de cette notice: Jean-Vincent Jourd'heuil, le 27/7/2022
Pour citer cette fiche:
Jean-Vincent Jourd'heuil, « Fiche de la collégiale Notre-Dame de Châteaudun », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne </?i=fiche&j=563>], version du 27/7/2022, consultée le
L'obituaire de Saint-Père de Chartres retient au XIe ou au XIIe siècle l'obit d'Ailbertus, prêtre, "chanoine de Sainte-Marie de Châteaudun", connu par une charte du cartulaire de cette abbaye sous le nom d'Herbertus