Chapitre séculier - Fiche valide
Bénévent-l’Abbaye est généralement considéré comme un établissement de chanoines réguliers dès sa création en 1080. Néanmoins, rien n’atteste l’observance de la règle de saint Augustin avant au moins le XIIe siècle et la charte de fondation ne laisse au contraire aucun doute sur la mainmise du chapitre cathédral sur la jeune communauté
La datation de l’adoption d’un mode de vie exclusivement régulier reste difficile. La libre élection du prieur de Bénévent n’est reconnue qu’en 1160 par le chapitre cathédral (FONT-REAULX 1919, n°202, p. 196-197). Le chanoine de Bénévent Humbert Lafeuille devient pourtant prévôt de la communauté canoniale d’Evaux dès avant 1096 et y instaure la régularité, puis revient après 1108 à Bénévent où il est ensuite élu prieur. Son retour parmi les chanoines de Bénévent, du temps du prieur Géraud (vers 1117-1128), pourrait indiquer que la communauté était déjà régulière à cette époque. Humbert Lafeuille pourrait aussi avoir introduit la règle augustienne lorsqu’il est devenu prieur vers 1128 ; il semble d’ailleurs être le seul mentionné "avec le couvent des chanoines" ("cum convenu canonicorum". GEOFFROY 1978, n°258)
L'église se distingue par la cohérence et l'homogénéité de son architecture. Le rituel d'ordination tenu en 1167 à Bénévent, en présence de l'évêque Gérard de Limoges, indique que l'édifice était constuit à cette époque (SPARHUBERT 2002, p. 103)
Saint-Barthélemy est en relation avec :
Changement de statut de la communauté séculière vers une communauté régulière
Le préchantre Humbert qui dicte la charte de fondation de Bénévent (FONT-REAULX 1919, p. 77) correspond vraisemblablement au maître Humbert qui dirige la nouvelle communauté. De fait, la Vita de Gaucher, fondateur de la communauté régulière d’Aureil (87) confirme qu’il était chanoine du chapitre cathédral de Limoges et qu’il a enseigné dans les environs de Meulan (BECQUET 1964, p. 41, 48, 51). Bernard Gui, dans un récit partiellement erroné établi vers 1315, en fait d’ailleurs le fondateur du chapitre de Bénévent et affirme qu’il s’agissait d’un maître parisien également chanoine de Limoges (LABBE 1657, p. 638). Dans le cartulaire de Bénévent, il est généralement qualifié de « maître », et plus rarement de « maître et prieur ». Il n’apparaît dans aucun document contenant une date mais, d’après les autres personnes mentionnées avec lui, on considère qu’il a été prieur depuis la fondation en 1080 jusqu’à 1103 (GEOFFROY 1978, p. XXXIV). Ses donations indiquent qu’il descendait d’un lignage implanté en Creuse à l’Age-au-Seigneur (GEOFFROY 1978, p. XXXIV ; VEYRENCHE 2020, p. 62). Il a su mobiliser son réseau familial et religieux, mais aussi plus largement, pour constituer le temporel de la nouvelle communauté : sur les 623 actes du cartulaire, près de 200 sont attribués à son époque
Gérard ou Gérald est mentionné comme sous-prieur puis prieur dans 35 donations du cartulaire, mais aucune n'est précisément datée (GEOFFROY 1978, p. XXXIV, XXXVI et index p. 248)
Pierre Isembert a été prévôt de Bénévent (vers 1110-1120) puis sous-prieur sous le prieurat d'Humbert Lafeuille, du temps du chanoine Etienne Vasseur et de l'archidiacre Pierre de Breuil (GEOFFROY 1978, p. XXVI, n°473, 526). Il est mentionné dans 4 actes du cartulaire non datés directement (GEOFFROY 1978, index p. 258)
Pierre est mentionné comme prieur dans 13 donations du cartulaire, dont 2 sont précisément datées en 1112 et 1117 (GEOFFROY 1978, p. XXXIV et index p. 257; n° 519 et 601)
Géraud est mentionné comme prieur dans 24 actes non datés directement du cartulaire de Bénévent (GEOFFROY 1978, p. XXXIV, index p. 246)
Le chanoine Humbert Lafeuille est mentionné dans plusieurs actes du cartulaire de Bénévent avec le prieur Humbert (GEOFFROY 1978, n°42, 148, 374, 495, 514, 550, 569). Il devient ensuite, avant 1096, prévôt de la communauté canoniale d’Evaux où il met en œuvre la régularisation (SERY 1947-1949). Il était encore prévôt de ce chapitre en 1108 (BECQUET p. 69-70). Il revient pourtant plus tard à Bénévent, où il fait et atteste plusieurs donations du temps du prieur Géraud (GEOFFROY 1978, n°151, 389, 469, 508, 551, 591). Il est mentionné comme prieur de Bénévent dans 14 actes du cartulaire, dont un portant le millésime 1128 (GEOFFROY 1978, n°70 et index p. 265). Son successeur, Géraud, est attesté dans acte portant l’année 1129 (GEOFFROY 1978, n°74)
Edifice protégé au titre des Monuments historiques : classé par liste en 1862. Il a été fortement restauré par Paul Abadie entre 1866 et 1880 (SPARHUBERT 2002, p. 90-93). Les bâtiments communautaires médiévaux ont entièrement disparu.
Notice dans la base Mérimée : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00100007
éd. A. Geoffroy, Cartulaire du prieuré Saint-Barthélemy de Bénévent (1076-1282), Poitiers, Université de Poitiers, 1979 (thèse de doctorat dactylographiée)
éd. J. de Font-Réaulx, "Sancti Stephani Lemovicensis cartularium", Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 69, 1919, p. 5-258, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57622902/f1.image
éd. Ph. Labbe, Novae bibliothecae manuscriptorum librorum, t. I, Paris, 1657, p. 638
J. Becquet, "La vie de saint Gaucher, fondateur des chanoines réguliers d'Aureil en Limousin", Revue Mabillon, t. 54, 1964, p. 25-55 (réédition fac-similée dans BECQUET 1985)
J. Becquet, "Les chanoines réguliers de Lesterps, Bénévent et Aureil en Limousin aux XIe et XIIe siècles", Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 101, 1972, p. 80-135 (réédition fac-similée dans BECQUET 1985)
J. Becquet, La vie canoniale en France aux Xe-XIIe siècles, Londres, Valiorum reprints, 1985.
A. Milhet, Patrimoine et environnement du chapitre de Bénévent dans la Marche Limousine d’après le cartulaire (1076-1282), Limoges, Université de Limoges, 1998 (Mémoire de maîtrise d’histoire médiévale)
E. Sparhubert, « Construction identitaire et construction architecturale au temps de la Réforme grégorienne : le chantier de la collégiale Saint-Barthélemy de Bénévent », Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, t. 48, 2002, p. 87-106
Y. Veyrenche, "Les chanoines réguliers en Limousin (XIe - XIIe siècles), de la réforme aux réseaux canoniaux", dans Israël du Dorat: être chanoine en l’an Mil. Discipline, culture, cadres institutionnels et monumentaux des chanoines entre les temps carolingiens et la Réforme grégorienne, dir. A. Massoni, E. Sparhubert, Limoges, PULIM, 2020, p. 39-66
L. Sery, "Un Limousin vainqueur d'un sire de Bourbon, Humbert de Lafola, prévôt d'Evaux à la fin du XIe siècle", Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, t. 30, 1947-1949, p. 22-27, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9746697v/f46.item
Les informations en italique sont incertaines
Auteur(s) de cette notice: Manon Durier / Anne Massoni, le 31/7/2022
Pour citer cette fiche:
Manon Durier / Anne Massoni, « Fiche de la collégiale Saint-Barthélemy de Bénévent-l'Abbaye », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne </?i=fiche&j=1354>], version du 31/7/2022, consultée le
L’acte de fondation est daté du 6 des ides de novembre, lune X, épacte XXVI, indiction III. Pour son éditeur Jacques de Font-Réaulx, il s’agit du 8 novembre 1080, même si ce jour correspond à la lune XX et non X (FONT-REAULX 1919, p. 76). Jean Becquet refuse cette correction et reprend à des auteurs anciens l’année 1073, c’est-à-dire le début de l’épiscopat de Gui de Laron (1073-1086) signataire de l’acte, sans argumenter davantage (BECQUET 1972, p. 100, republié dans BECQUET 1985). Il semble néanmoins préférable de retenir l’année 1080, ce qui permet en outre d’intégrer la fondation dans la mouvance grégorienne insufflée lors du concile de Poitiers de 1078 (VEYRENCHE 2020, p. 47).
La charte de fondation autorise deux religieux, Raimond et Boson, ainsi que leurs compagnons à construire une église ("basilica") où ils pourront servir Dieu "canoniquement" ("Deo canonice deservientium"), religieusement et régulièrement ("religiose et regulariter"). Les historiens ont généralement déduit de cette dernière expression l’observance d’un mode de vie de chanoines réguliers. Néanmoins elle ne suffit pas à attester l’adoption de la règle de saint Augustin et rien dans le cartulaire, pourtant riche de 622 actes et tenu jusqu’en 1282, ne vient confirmer ce statut. Les seuls à évoquer le statut de ces chanoines, c'est-à-dire l’évêque de Limoges Gui de Laron (1073-1086) et l’archevêque de Bourges Richard (1071-1093), indiquent ainsi tout aussi généralement "l’église Saint-Barthélemy et les frères de la congrégation canoniale ici serviteurs de Dieu" ("ecclesia Sancti Bartholomaei […] et fratribus de congregatione canonica ibi Deo serventibus". GEOFFROY 1978, n°147 et 514).
A l’inverse, tout insiste dans la charte de fondation sur l’étroite dépendance de l’établissement au chapitre cathédral, dans la propriété duquel il est placé ("ut aecclesia illa semper sit in potestate et in regimine nostro, imo proprium nostrae congregationis et speciale membrum") et auquel il doit la moitié de ses revenus. Le prieur, le préchantre et le sacriste sont certes élus par les chanoines de Bénévent, mais sous réserve de l’accord de ceux de Limoges après leur présentation au chapitre. Le préchantre Humbert qui dicte l’acte est en outre vraisemblablement le même chanoine que le "maître Humbert" à qui sont faites de très nombreuses donations pour Bénévent, avant et après qu’il reçoive le titre de prieur. Bénévent semble donc être avant tout une fondation du chapitre cathédral, d’autant que les deux religieux présentés comme les fondateurs semblent absents du cartulaire.
On peut donc poser l’hypothèse d’un mode de vie canonial plus régulier à Bénévent qu’à Limoges, mais en parfaite continuité avec ce dernier. Le seul indice matériel sur leur habitat montre d’ailleurs qu’ils vivaient comme des chanoines séculiers, dans des maisons individuelles : plusieurs maisons sont données - ou font litige - dans la vingtaine d’années qui suit la fondation (GEOFFROY 1978, n°32, 150, 46, 533, 540), et vers 1090 une donation est faite à La Betoule et Aubignac pour qu’une église soit construite ainsi que des maisons pour les chanoines et d’autres pour leurs serviteurs ("si aliquando facerent ibi ecclesiam et domos canonicorum et aedifica propria eorum et domos eorum servientium". GEOFFROY 1978, n°528)