Chapitre séculier - Fiche valide
L'église se situe à Mantes près de la Seine, lieu aujourd'hui appelé Mantes-la-Jolie pour distinguer de Mantes-la-Ville qui s'en est détaché au sud en 1238. A partir de 911, la Seine sert de limite entre la Normandie et le royaume des Francs. Mantes est située sur le bord méridional du fleuve, presqu'à mi-chemin entre Rouen et Paris. Un castellum existe à Mantes autour de l'an mille d'après une charte. Le martyrologe de la collégiale au XIIIe siècle indique une libéralité de la comtesse de Blois Liégarde en 974, sans que cela soit certain. Celle-ci était mariée en secondes noces avec Thibaud Ier le Tricheur et repose chez les Bénédictins de Saint-Père de Chartres. L'archéologue Bruno Dufaÿ (2000) suppose que la collégiale aussi bien que l'église remontent à Herbert de Vermandois (mort en 943), père de Liégarde, qui fut sans doute un temps comte du Vexin. La collégiale actuelle se trouve au pied de l'enceinte castrale, sur un replat dominant modestement le fleuve.
A 2 km de la collégiale, un village appelé Gassicourt (annexé à Mantes-la-Ville en 1930) se trouve comme Mantes au bord méridional de la Seine. Un certain Rodulphus et sa femme Eve donnent l'église de Gassicourt à l'abbé Hugues de Cluny (1049-1109), ainsi que la dîme du tonlieu du port de Mantes (in portu Medantae), peut-être vers 1074-1076. Radulfus Malus Vicinus (Mauvoisin) est témoin du don de biens fait par le comte de Mantes Simon à Cluny pour que cette abbaye fonde un "monastère" à Gassicourt. Mauvoisin a encore un fils Rodulphus, vicomte de Mantes, qui a aussi un fils du même nom. Le comte du Vexin et du Valois, un autre Raoul, père de Simon, est mort en 1074. Gassicourt est un prieuré de Cluny au XIIIe siècle.
Entre 1074 et son retrait du siècle en 1077, durant le carême, "Simon comte de Mantes" donne cette fois l'abbaye Notre-Dame de Mantes à l'abbaye de Cluny, avec tous ses bénéfices que les chanoines tiennent du comte (abbatiam Medantensis æcclesie Beatæ Marie, cum omni beneficio pertinente ad eandem æcclesiam, quod Albericus, canonicus predictae æcclesiæ atque omnes canonici ex me retinent). La charte n'indique pas que les chanoines sont expulsés ou doivent se convertir à la vie régulière, mais on peut soupçonner ce projet, quand on sait aussi ce que deviendra le donateur. Le chanoine Albericus semble le chef de la collégiale, sans avoir de titre. La charte le cite une deuxième fois parmi les témoins, avec le chanoine Lisiard ou encore le vicomte de Mantes. Le don se fait "dans la maison" (in domo) du chanoine Albericus laissant entendre qu'il n'y a pas de dortoir. Le comte ajoute ses bois, ses champs et ses prés de Mantes-la-Ville, ainsi qu'une rente de 30 livres venant de la moitié du tonlieu du château de Mantes (Medante castelli). Il ajoute qu'à son exemple le vicomte de Mantes a donné l'église de Gassicourt, en ajoutant d'autres donateurs.
Le comte Simon se retire dans l'abbaye de Saint-Oyend en 1077. Le Vexin est alors partagé entre le roi et le duc de Normandie. Philippe Ier dote Mantes d'un atelier monétaire. Le patronage de la collégiale passa de toute évidence au roi à ce moment, d'autant qu'un diplôme du roi de 1076, donné à Mantes, indique que le souverain, mal conseillé, avait repris le don fait par Simon avant qu'il ne devienne moine. C'est pourquoi il énumère à nouveau une liste de biens et de droits à Mantes la ville et dans les environs donnés à Cluny. L'acte ne mentionne nullement le don de l'église Notre-Dame, mais mentionne en revanche parmi les témoins "Albericus canonicus", le chanoine cité plus haut. Le roi entendait garder la main sur la principale église du site et maintenir son statut de collégiale. En 1087, Orderic Votal rapporte que Guillaume le Conquérant dévasta Mantes et ses églises, car il revendiquait le comté de Vexin. Le roi d'Angleterre meurt 2 mois plus tard à Rouen et fait plusieurs dons aux églises dévastées.
En 1092, Louis de France reçoit de son père le roi Philippe Ier le Vexin, Mantes et Pontoise. Roi désigné vers 1102, Louis VI succède à son père en 1108. Il assiégea à son tour son frère Philippe retiré dans Mantes en 1108. En 1110, Mantes reçoit la plus ancienne charte de commune de tout le domaine royal.
Honorius II confirme en 1126 à l'abbé de Saint-Victor de Paris le don fait l'année précédente par le roi avec l'accord de l'évêque chartrain Geoffroi de Lèves des annates des prébendes vacantes de l'ecclesia Sainte-Marie. Le castrum de Mantes est situé sur le bord méridional de la Seine qui sépare le diocèse de Chartres de celui de Rouen, aux limites du Vexin français, partie du diocèse de Rouen sous mouvance française pendant la période anglo-normande. Depuis Louis VI au moins, Mantes abrite un palais royal et le siège d'une prévôté royale. Un fils de Louis VI devient abbé de la collégiale, cumulant des dignités en d'autres collégiales et au chapitre d'Orléans. Jusqu'au rattachement de la Normandie à la Couronne de France, Mantes était une place importante en situation de frontière, à mi-chemin sur la Seine entre Rouen et Paris, et jusqu'où la guilde des marchands de l'eau de Paris pouvait naviguer. Philippe Auguste fait de Mantes sa base de reconquête de la Normandie et c'est en cette ville qu'il meurt.
Reconstruite autour de 1150, en même temps que le nouveau chantier de la cathédrale de Senlis à laquelle elle emprunte le déambulatoire et les collatéraux (A. Prache), la collégiale prend progressivement les dimensions d'une cathédrale. Les deux niveaux supérieurs sont élevés vers 1170-1175. Les tours occidentales évidées et le chevet à 3 fenêtres surmontées d'une rose empruntent à la cathédrale de Laon, les niveaux supérieurs de la façade datent des années 1200-1210 et les tours sont plus tardives. Cette façade à 3 portails montre une grande ambition dans le second XIIe siècle, comparable seulement avec le programme de Saint-Denis et les façades romanes harmoniques en Normandie. Le maître qui a élevé les 2 niveaux supérieurs en introduisant les arcs-boutants a dépassé le modèle de la cathédrale de Paris tel qu'il se présentait avant les années 1180. La cathédrale de Sens, du premier gothique et sans transept, fut aussi une source d'inspiration. La collégiale est à cet égard exceptionnelle (A. Prache) pour les églises du XIIe siècle, exemple de l'adoption précoce de l'arc brisé et du mur mince.
Depuis Mantes en mai 1210, Philippe Auguste confirme l'accord conclu entre "les chanoines et vicaires de Notre-Dame de Mantes" et l'abbaye Saint-Victor de Paris. Ces derniers renoncent à leurs plaintes contre l'abandon par les chanoines de Mantes, chaque année, d'un saumon.
Mantes appartint au douaire de Marie de Brabant. Devenue veuve en 1285, la reine se retire sur ses terres aux Mureaux, à une quinzaine de km à l'ouest de Mantes. Elle érige la dignité de doyen "dans l'église Notre-Dame de son château de Mantes", avec l'approbation et la confirmation de l'évêque, comme le confirme à son tour une lettre de Clément V en 1310. Sur le flanc sud de la collégiale, Marie de Brabant fonde une chapelle Saint-Paul acceptée par le chapitre en 1313 et construite aussitôt par un architecte parisien de premier plan. L'année précédente, Clément V avait accordé une année d'indulgences à la Toussaint et dans son octave, pour la chapelle Saint-Paul et Saint-Louis construite et dotée par Marie. Morte en 1321 près de Meulan, la reine est déposée au couvent mineur de Paris. La chapelle prendra le nom de chapelle de Navarre. Ses verrières devaient représenter le couple royal ainsi que leur fils, Louis, devenu comte d'Evreux vers 1300 jusqu'à sa mort en 1319. Le fils de Louis, Philippe, s'était marié en 1318 avec Jeanne de France, fille de Louis X devenue reine de Navarre en 1328. Celle-ci, encore jeune lors de son mariage, avait mise en garde Mantes auprès de Marie de Brabant. Une statue de Jeanne tenant une maquette de chapelle existe encore dans la collégiale, des publications la confondent avec son gisant même si la reine de Navarre repose depuis 1349 aux Jacobins de Paris pour son coeur et à Saint-Denis pour son corps.
La collégiale subit l'influence des Evreux-Navarre au XIVe siècle, desquels elle reçut des fondations. Seigneur de Mantes depuis 1351 par le don qu'en fit Jean II, Charles de Navarre fortifie les abords de la collégiale : le fort Notre-Dame est arasé entre 1432 et 1450. En 1365, Du Guesclin reprend Mantes, car le roi de Navarre était allié aux Anglais. En 1371, Jean de Hanecourt est chanoine de la collégiale et chancelier du roi de Navarre (Lettres communes de Grégoire XI, n°13383). Les Anglais occupent la ville de 1419 à 1449.
Le curé de la paroisse de l'église Notre-Dame de Mantes a des revenus évalués à 15 l.t. en 1375 (Lettres communes de Grégoire XI, n°36301).
L'église est classée au titre des Monuments Historiques depuis 1840
Buzon et Hugo ont fondé leur obit sous la qualité de chanoine et préchantre
Il y a l'obit d'un sous-chantre au XIIIe siècle. Au XIVe siècle est écrit l'obit de Jean Potier, "vicaire et sous-chantre" de la collégiale
Il y a 7 chanoines en 1315
Samson Mauvoisin, né à Mantes et petit-fils du vicomte de Mantes Raoul est abbé en 1125, archidiacre et prévôt de Chartres (1133), avant de devenir archevêque de Reims en 1140. Lui succède Henri de France, fils de Louis VI, de 1134 à son entrée à Clairvaux. Son frère Philippe, par ailleurs archidiacre de Paris, lui succède de 1145 à 1159. Louis VII est abbé, puis Philippe Auguste jusqu'en 1196
Il y a l'obit d'un sous-chantre au XIIIe siècle. Au XIVe siècle est écrit l'obit de Jean Potier, "vicaire et sous-chantre" de la collégiale
Il y a un trésorier au XIVe siècle
Une lettre de Clément V mentionne un doyen en 1307, mais une autre de 1310 confirme l'érection de cette dignité par Marie de Brabant, avec l'accord de l'ordinaire. Il y a au XVIe siècle un doyen
Il y a un sous-doyen au XVIe siècle
Que devient le patronage quand Jean II cède Mantes à Charles de Navarre en 1351 jusqu'en 1365, et durant la période anglaise de 1419 à 1449 ?
Archives départementales des Yvelines, G suppl 138-141, 230, 263, 278
D. Lohrmann, Papsturkunden in Frankreich. Diözese Paris, I, Göttingen, 1989, n°4
Patrologie Latine, t. 215, col. 1385-1386
J. Dufour, Recueil des actes de Louis VI roi de France (1108-1137), Paris, 1992, t. 1, n°233
A. Molinier, Obituaires de la province de Sens (Recueil des historiens de la France. Obituaires, 2), Paris, 1906, p. 356-381
Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, é. A. Bruel, Paris, 1876-1903, n°3050, n°3476, n°3477, n°3499
Recueil des actes de Philippe Auguste roi de France, éd. J. Monicat, J. Boussard, Paris, 1966, t. 3, n°1126
Mantes médiévale. La collégiale au coeur de la ville, Paris - Mantes la Jolie, 2000
Y. Gallet, ''Les chapelles du chevet de la collégiale de Mantes'', Bulletin monumental, t. 163, 2005, p. 101-114
Registre de Clément V, n°1966, n°5357, n°9123
J. Bony, "La collégiale de Mantes", Congrès Archéologique de la France, t. 104, 1947, p. 163-220
Les informations en italique sont incertaines
Auteur(s) de cette notice: Jean-Vincent Jourd'heuil, le 27/7/2022
Pour citer cette fiche:
Jean-Vincent Jourd'heuil, « Fiche de la collégiale Notre-Dame de Mantes-la-Jolie », Collégiales - Base des collégiales séculières de France (816-1563) [en ligne </?i=fiche&j=561>], version du 27/7/2022, consultée le
Les chanoines peuvent desservir l'église dès le Xe siècle, autour de 943